Les missions de guerre électronique et de reconnaissance n'ont pas été de tout repos au-dessus de l'Irak après l'opération "Tempête du désert". L'aviation irakienne n'avait pas été totalement anéantie même si une partie de ses chasseurs modernes avait gagné l'Iran. Les équipages français l'apprirent à leur dépend à plusieurs reprises ...
Opération "Alysse"
L’opération "Southern Watch" a été mise en place suite à la résolution 688 du Conseil de Sécurité des Nations Unies (avril 1992). Le but de cette opération est d’assurer la protection des populations chiites du sud de l’Irak. Le sud du 32° parallèle est interdit de survol via une "No Flight Zone" contrôlée par trois pays, les USA, la Grande-Bretagne et la France. La composante française de ce dispositif se nomme l'Opération "Alysse". Basé à Dhahran, le dispositif français se compose de six Mirage 2000 C (trois Mirage 2000 RDM et trois RDI) et un C-135FR. Des détachements réguliers de Mirage F1CR et Jaguar viennent le compléter, ainsi qu'un C-160 "Transall" "Gabriel" tous les six mois. Ce détachement est sous le commandement de Pierre-Alain Antoine.
Au premier plan, un Mirage 2000C de l’escadron de chasse 3/5 « Comtat-Venaissin », au second plan, un Mirage F1 CR de l’escadron de reconnaissance 3/33 « Moselle », au troisième plan un Jaguar de l’escadron de chasse 3/11 « Corse » et enfin un C-160 Transall « Gabriel » de l’EE 1./54 « Dunkersque ». (Source : SHD )
Le 25 mars 1995, après une première mission trois jours plus tôt qui a permis la découverte d'un radar Flat Face dans le sud de Bagdad et laissé sans voix les américains (car eux ne l'avait pas détecté malgré leurs RC-135 et satellites), le C-160 "Gabriel" repart en mission au-dessus de l'Irak. Le décollage a lieu à 4h et l'équipage est composé du commandant Thual (commandant de bord), du capitaine Belkadi (dirigeur SIGINT et chef d’équipage) et du commandant du détachement.
Après 3h30 de vol, le capitaine Belkadi annonce que le "Gabriel" est en train de se faire intercepter par un Mig-25 "Foxbat" irakien. Sa fréquence radio a été interceptée par le système COMINT du Transall "Gabriel". Le Mig-25 continue dans la direction du C-160 qui détecte l’émission de son radar grâce au système ELINT de bord. Ces deux éléments (radio et radar) ne laissent aucun doute quant à l’objectif du chasseur irakien … L’AWACS US patrouillant dans la zone n’ayant encore rien détecté, il est immédiatement prévenu et celui-ci engage une paire de F-15C "Eagle" en direction de l’"hostile" qui fait alors rapidement demi-tour.
Mig-25PD Irakien (Source : Tom Cooper)
Chaque soir, la coalition émet un document sur lequel sont consignés tous les vols prévus pour le lendemain. Aussi, la défense aérienne irakienne était au courant du vol du C160 "Gabriel", alors pourquoi cette tentative d’interception ? Tout simplement parce que juste au-dessus du Transall à près de 20 000 m d’altitude, un U-2 effectuait sa mission qui, elle, n’était pas consignée … Ce pilote peut donc remercier l’équipage français d’avoir détecté ce Mig-25 à temps sans quoi il aurait été facilement abattu et un tel acte de la part des irakiens aurait créé sans aucun doute un incident majeur !
Opération "Aladin"
L’opération "Aladin" a eu lieu en juin et juillet 1998. Deux Mirage IVP étaient basés à Al Kharj en Arabie Saoudite et effectuaient des missions de reconnaissances au profit de l’ONU.
Mirage IVP et C-135FR lors de l'opération Tarpan en 2003 (Photo Cne Mazzocco, ERS 1/91)
Le 1er juillet 1998, le Mirage IVP n°25/AX est en vol à 300 km à l’ouest de Bagdad. L’équipage est constitué des capitaines Erik Pintat et Laurent Faugeron. L’un des objectifs de la mission est la base d’Al Assad où des Mig-25 y seraient stationnés. Plus à l’est, un U-2 est également en mission de reconnaissance sous protection. Une trentaine d'appareils au total se trouve dans la zone sud-est de la capitale irakienne. Une patrouille de Mirage 2000 se trouve juste au sud de 32° parallèle si besoin pour couvrir l’équipage du Mirage IVP qui lui poursuit sa mission au-delà du 33° parallèle … Après avoir réalisé la première boucle de reconnaissance, le terrain d’Al Assad est en vue. L’équipage scrute la piste et aperçoit deux Mig-25 armés de missiles, un au roulage sur un taxiway, l’autre en train de sortir d’un abri. Une fois le tout photographié, le Mirage IVP prend la direction du terrain H1 dernier objectif, puis repart vers le sud en direction de l’Arabie Saoudite où le C-135FR les attend. Au cours de la mission, l’équipage a détecté plusieurs signaux radars irakiens, aucun n’étaient critique, mais le dernier relève d’une toute autre menace. Un signal d’accroche d'un radar hostile est détecté. L’équipage est pris en chasse, tout d’abord dans les 9h, puis en plein 6h par un intercepteur irakien. Le pilote accélère rapidement pour passer en supersonique, mais l’hostile continue de gagner du terrain. Le Mirage IVP vole encore très au nord et l’équipage a des difficultés à contacter l’AWACS US. Un des deux Mirage 2000 semble capter l’appel de détresse et le relaie, mais personne ne vient à leur secours. Le Mirage IVP continue d’accélérer en direction du sud (mach 1.2 au niveau 220) en espérant ne pas être à portée de tir avant le 33° parallèle qui est atteint après quatre longues minutes. Le signal hostile ayant disparu, l’équipage poursuit son vol vers le sud et abandonne la deuxième partie de la mission pour venir se poser à Al Kharj. Finalement, les autorités militaires US confirmeront plus tard le décollage des deux Mig-25 (photographiés par l’équipage du Mirage IVP) de la base d’Al Assad et la tentative d’interception qui a suivi … Les irakiens quant à eux prétendront une erreur d'identification ...
Texte © Copyright 2014 Arnaud Delalande.
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